COMMENT LA VISION PEUT ELLE ETRE TROMPÉE PAR DES IMAGES PARTICULIÈRES ?

dimanche 23 février 2014

La vision

Notre sujet sur les illusions d'optique est, comme son nom l'indique, directement lié à la vision et aux lois de l'optique. Il nous a donc semblé nécessaire de commencer par une petite mise au point sur le fonctionnement de notre œil.
Afin de comprendre le fonctionnement des illusions d'optique, nous allons étudier tout d'abord le fonctionnement de l’œil humain.


LA REPRÉSENTATION DE L’ŒIL


Cours de SVT de Mme Debruycker 

  • La sclérotique* est l'enveloppe externe blanche, épaisse et résistante qui se transforme en cornée* transparente vers l'avant.
  • La rétine* est l'enveloppe la plus interne, vascularisée, très mince, très fragile, dont la zone centrale ( située dans l'axe optique ) est appelée fovéa. On y trouve les photo-récepteurs, les bâtonnets qui sont sensibles à la lumière et les cônes qui sont eux sensibles aux couleurs.
  • La choroïde* est l'enveloppe noire située entre les deux précédentes.
  • Le nerf optique est en relation avec la rétine, visible au pôle postérieur de l’œil. 
  • L'iris* est situé derrière la cornée ; c'est un diaphragme coloré percé d'un trou noir : la pupille*.
  • Le cristallin* est l'organe transparent jouant le rôle d'une loupe.
  • L'iris et le cristallin séparent l’œil en deux parties contenant deux milieux transparents : l'humeur aqueuse* vers l'avant et l'humeur vitrée* vers l'arrière. 




LA RELATION ŒIL/CERVEAU


Lorsque l'on regarde une image, les rayons lumineux traversent les milieux transparents de l’œil, c'est-à-dire la cornée, l'humeur aqueuse, le cristallin, et l'humeur vitrée. Au cours de ce trajet, les rayons lumineux vont subir un changement de direction à cause de la cornée et du cristallin. Tous les rayons vont converger de manière à ce qu'ils aboutissent tous au même point et former une image sur la rétine. Suivant la distance à laquelle se trouve l'objet que l'on regarde, les rayons subissent une convergence plus ou moins importante.


  • Si l'on regarde tout d'abord quelque chose de loin, au delà de 5 mètres environ, l'image tombera exactement sur la rétine car le corps ciliaire* est contracté et le cristallin est peu bombé donc peu convergent, donc les rayons ne seront pas, ou très peu convergés. 


  • Si l'on regarde un objet qui se rapproche, afin que l'image ne devienne pas de plus en plus floue, le cristallin va s'arrondir progressivement sous l'action du muscle ciliaire, ce qui va permettre d'augmenter la convergence des rayons, et ainsi de maintenir l'image sur la rétine. Ce phénomène se nomme l'accommodation. 


Lorsque les cônes et les bâtonnets ont transformé la lumière en messages nerveux, il faut que ceux-ci soient amené jusqu'au cerveau afin de les analyser. 


L'illusion décomposée en messages nerveux va aboutir à une région du cerveau où les deux nerfs vont se croisés, le chiasma optique (jonction en forme de X). Puis il y a le passage du chiasma optique au cortex visuel (lobe occipital) qui est rendu possible grâce aux corps genouillés latéraux qui ont pour rôle de trier plus finement les fibres nerveuses selon la zone visuelle qu'elles couvrent. 






L'illusion arrive donc au niveau du cortex visuel. 
Les messages visuels, transmis sous forme d'activité neuronale, sont donc tout d'abord dirigés dans l'aire V1, où les informations recueillies sont analysées puis distribuées aux autres aires. 
Les étages supérieurs, constitués d'aires fonctionnelles, permettent d'extraire différents paramètres simultanément. 

Les illusions optico-géométriques

Le mot illusion vient du latin "illuder" qui signifie "se jouer de, tromper". 
Une illusion d'optique est une illusion qui trompe le système visuel humain (depuis l’œil jusqu'au cerveau) et aboutit à une perception déformée de la réalité. Les illusions d'optique permettent de mettre en évidence les principes de fonctionnement du système visuel humain. 
Une illusion d'optique renvoie à l’œil une vision altérée de la réalité. Elle peut être innée, involontaire, provoquée dans un but artistique pour tromper le système de perception. 

On catégorise plusieurs types d'illusions d'optique :
Les illusions d'optique géométriques et les illusions d'optique artistiques. 


LES ILLUSIONS OPTICO-GÉOMÉTRIQUES



Ce sont des illusions formées par des figures géométriques qui donnent lieu à des erreurs d'estimation, de dimension, d'interprétations, de courbure, de direction... 

La plupart des illusions classiques ont été découvertes dans les années 1830-1880. Au cours de la seconde moitié du XIXème siècle, des pionniers de la psychologie expérimentale, comme Delboeuf, Hering, Muller-Lyer et plusieurs autres ont découvert une grande variété d'illusions dites optico-géométriques auxquelles ils ont laissé leur nom.


On considère généralement qu'une illusion géométrique comporte deux éléments : 

- un élément "inducteur" qui provoque la déformation
- un élément "test" qui la subit

Par exemple, dans la figure Muller-Lyer, les pointes de flèche sont l'élément inducteur et les traits horizontaux, l'élément test. 



Illusion de Muller-Lyer

L'illusion de Muller-Lyer : les trois flèches semblent rangées par ordre croissant alors qu'en réalité elles sont toutes de tailles égales.
Dans la figure de Poggendorff, les lignes verticales sont l'élément inducteur et les segments obliques, l'élément test. 




Illusion de Poggendorff


Depuis plus d'un siècle nous avons proposé plusieurs explications pour les illusions géométriques mais les plus convaincantes s'accordent sur trois points importants. D'une part, les illusions sont du domaine perceptif et n'ont rien à voir avec la pensée ou le raisonnement. En effet, nous savons que la plupart de ces illustrations sont des illusions mais cela ne nous empêche pas de percevoir des déformations. Ensuite, les illusions ne naissent pas dans la rétine : elles apparaissent presque aussi nettement lorsque l'élément inducteur est placé devant un œil et l'élément test devant l'autre œil. Elles prennent donc naissance dans le système visuel, là où convergent pour la première fois les informations en provenance de chaque œil. 


1. La mise en relation de grandeur


De nombreuses illusions produisent une mise en relation de grandeur des éléments de la figure. Il en résulte généralement un effet de contraste : la grandeur apparente des éléments les plus grands est surestimée par comparaison au plus petit ou inversement. 




Illusion de Tetchener


Le cas le plus évident est sans doute l'illusion de Titchener. On a cependant invoqué à certains moments le principe d'assimilation suivant lequel, lorsque les différences sont minimes entre les plus grands et le plus petits éléments, on a tendance à minimiser ces différences.



2. Les illusions des couleurs


Illusion de couleur

Les illusions de couleurs sont très nombreuses et très impressionnantes. Ce sont les couleurs d'arrière plan qui vont influer sur l'illusion. Et c'est la même chose pour l'illusion de dégradé en dessous, le noir éclaircit le gris alors que le blanc semble l'accentuer. 


Illusion de dégradé


3. Les illusions subjectives 


Ce phénomène consiste à percevoir des figures qui se détachent de leur fond bien qu'aucun trait ne soit tracé pour délimiter celles-ci. Ces figures nous paraissent aussi plus claires ou plus sombres que leur fond. L'illusion est due à une opération mentale de l'observateur, qui prolonge inconsciemment les segments dans la région centrale et recherche un relief. 


Illusion de Kanizsa
Nous voyons un triangle qui n'existe pas : le fruit de notre imagination


Illusion de Kennedy
Nous voyons un rond se détacher à certains endroits

Cependant, quand les segments sont inclinés cette opération mentale est moins fondée et l'illusion disparaît. 


Illusion du cube
Nous voyons un cube qui n'existe pas : c'est le fruit de notre imagination

Au dessus, nous voyons un cube se détacher très nettement alors qu'il n'existe pas, c'est notre cerveau qui a voulu donner une signification précise à ce dessin.


4. Les images résiduelles

Une image résiduelle est une image qui demeure quand on cesse de regarder un objet. La rétine, située au fond de l’œil est, comme nous l'avons vu précédemment, tapissée de cellules sensibles à la lumière colorée : les cônes. Tous ne sont pas sensibles aux mêmes couleurs, certains sont sensibles au rouge, d'autre au vert, et d'autre encore au bleu. 

Image résiduelle




Quand on observe "Marylin Monroe" plusieurs secondes sur fond rouge, les cellules sensibles au rouge se fatiguent et perdent leur sensibilité. Aussi, lorsque l'on regarde le fond blanc en bas de l'image, on la voit verte, car seules les cellules sensibles au bleu et au vert continuent à travailler. Elles recréent donc la couleur dite complémentaire du rouge : le cyan. 

5. Les illusions de mouvement

L’œil humain se fatigue très vite lorsqu'il est contraint de fixer un objet. Il est également prouvé qu'il se produit des mouvements lorsque celui ci fixe fortement un objet. C'est la raison pour laquelle il se produit des mouvements imaginaires. 

Illusion de mouvement

Les effets de mouvement surgissent au moment où les images rémanentes entrent en conflit avec celles qui sont déplacées du fait des mouvements des yeux. 

Les illusions artistiques

Ces illusions n'ont pas vraiment d'explication rationnelles, elles ne sont pas des manifestations d'erreurs d'interprétations du système visuel humain mais plutôt la conception de l'oeuvre qui induit notre œil en erreur. Ces erreurs d'interprétation peuvent être perçues différemment par chacun d'entre nous, le monde qui nous entoure et notre vécu ont en effet une forte influence sur cet interprétation.

Il y a plusieurs groupes : 


1. Des groupes portant sur l’ambiguïté


Chaque dessin peut donner lieu à au moins deux interprétations visuelles qui s'excluent mutuellement, exemple ci-dessous. Généralement, l'observateur ne fait, dans un premier temps, qu'une interprétation de l'oeuvre et a alors du mal à identifier la deuxième interprétation. L'influence du vécu se ressent particulièrement dans ce type d'illusion. 


L'illusion ce-dessous appelée "Ma belle-mère/ ma jeune femme" fut crée par William Hill en 1915.


Illusion artistique

Que voyez-vous ? Une jeune demoiselle élégante ou une vieille sorcière ?
Les deux interprétations sont possibles : la sorcière regarde vers la gauche alors que la jeune demoiselle regarde vers l'arrière. 



  • Le degré de perception selon les cultures

"L'influence de la culture et de l'environnement sur notre perception visuelle" cette théorie a été explorée pour la première fois par Robert Laws, un missionnaire Ecossais, travaillant au Malawi en Afrique durant la fin du 19ème siècle. 


Que voyez-vous ? Que porte la femme sur sa tête ?

Lorsque des chercheurs ont posé cette question à des personnes d'Afrique Orientale, la plupart ont répondu "une boîte". Ensuite les chercheurs ont demandé "Où se passe la scène ?". Ces personnes ayant une culture avec peu d'angles ont naturellement répondu que la famille était assise sous un arbre. Nous occidentaux, habitués à notre confort, avons vu la scène se passant dans une pièce avec une fenêtre donnant sur l'extérieur. 




Que voyez-vous sur cette image ? Un jeune couple ou des dauphins ? 
Plusieurs études ont montré que les enfants ne peuvent pas identifier le couple car la mémoire ne connait pas encore de telle situation. Ils voient à la place, neuf dauphins, les voyez-vous ?





2. Des groupes sur l'impossibilité 

Tous les objets de cette catégorie ne pourraient pas exister ou il serait fortement improbable qu'ils existent dans la réalité. Les illusions impossibles sont caractérisés par un dessin incohérent portant à confusion. Ces dessins irréels suscitant une interprétation s'appuient sur la profondeur, les ombres et différents points de vue. Un exemple ci-dessous.

L'artiste néerlandais Escher est sûrement le plus grand représentant des illusions artistiques. Il s'intéresse tout particulièrement aux illusions impossibles en jouant avec notre raison et en créant des figures qui n'existent que par le dessin. 


L'escalier interminable 

Sur cette illusion, il y fait apparaître des moines qui montent et descendent un escalier interminable. Il utilise des dimensions contradictoires afin de tromper notre cerveau. C'est en fait un escalier normal, un angle de vue particulier donne cette impression d'infini. Le décor autour de nous induit alors fortement en erreur et donne au dessin cet aspect réaliste. 


3. Un groupe qui illustre l'illusion


Les dessins font naître des interprétations visuelles qui sont très différentes des propriétés des éléments représentés. Ce sont des illusions qui suggèrent des interprétations visuelles qui s'éloigne de la réalité du dessin. 



Vertumne d'Arcimboldo 

Par exemple, à première vue, ce dessin nous fait penser à un portrait, or, en regardant de plus près on remarque rapidement que ce portrait est en fait constitué de végétaux. Notre cerveau a du mal à analyser cette image car il est habitué à voir une tête, l'observateur verra donc à chaque fois une tête avant de voir les végétaux. 

Les trompe-l’œil

Mot invariable (au pluriel : des trompe-l’œil), il désigne une peinture qui donne l'illusion de la réalité, par un excellent rendu du relief apparent de l'objet, ceci grâce à un jeu d'ombres et de lumières. C'est un art connu et pratiqué depuis l'Antiquité.
Traditionnellement décoratif cet art s'applique aussi bien a l'imitation de la matière : faux marbre, faux bois ou fausses pierres qu'à l'imitation du relief : fausses moulures ou fausses sculptures. C'est en quelque sorte l'art du faux : par sa minutie, il s'apparente à l'hyper-réalisme.*


trompe l'oeil © Ophtasurf
http://ophtasurf.free.fr/illusions/trompeloeil.htm


Un exemple au dessus : fausse porte vue de face (cour intérieure de Rochefort sur mer). Cette fausse porte peut nous tromper lorsque nous sommes placés à un endroit précis mais si nous regardons d'un autre point de vue, (voir en dessous), nous voyons tout de suite la supercherie : la porte ne contient aucun relief. 

http://www.2sx.com/illusion/illusions/trompeloeil.html

Le trompe-l’œil est un art de la virtuosité*, un jeu entre l'artiste et le spectateur, qui doit se déplacer ou toucher l'oeuvre pour s'assurer que ce qu'il voit n'existe qu'en peinture. Pour réussir à donner l'illusion de la réalité et du relief, quelques règles s'imposent. Les éléments doivent être représentés avec minutie et, le plus souvent, grandeur nature.




       Exemple : Grappe de raisin en trompe-l’œil 
                        Louis Leopold Boilly (1761-1845)
                                        
                                              
   http://www.galerie-photo.com/trompe-l-oeil.html


"Trompe-l’œil", l'art de la rue

L'art de l'illusion est aussi utilisé par les artistes qui "crayonnent" dans la rue.
Leur problème est différent car ils travaillent sur une surface horizontale , l'angle de vue n'est donc pas le même que pour un support vertical à hauteur de nos yeux. Ils doivent alors avoir recours à certains "artifices" pour donner une impression incroyable de réalité.


Exemple : 



Le trompe-l’œil vue du bon angle



Le trompe-l’œil vue du mauvais angle



Le trompe-l'œil en architecture 

La peinture est la grande alliée de l'architecture. Les lois de la perspective sont les premières à rendre compte de l'espace sur un support plat. La couleur, quand à elle, recrée la lumière et l'ombre dans cet espace figuré. Le trompe-l’œil y construit donc l'illusion d'un monde en trois dimension. Cette construction est basée sur une vision monoscopique*. La perspective choisie est en fonction de ce point de vue précis, mais si le spectateur quitte ce point de vue privilégié, l'image se déformera.


Exemple : Cette longue galerie de colonnes du Palazzo Spada construite par Francesco Borromini est en fait un trompe-l’œil architectural. Borromini a conçu une architecture théâtrale en raccourci, dite aussi perspective accélérée qui donne une illusion de distance et de profondeur très convaincante.


http://figuresambigues.free.fr/ArticlesTheorie/perspective-acceleree-1.html#axzz2vH2g75Bx

Le trompe l’œil  commence à reprendre une place dans notre vie actuelle après quelques moment d'oubli. Il peut bouleverser l'espace, ouvrir des fenêtres sur des jardins inexistants, creuser ou bomber les murs.


TROMPE-L’ŒIL DANS LA PUBLICITÉ